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Kino

by Behel Boson

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1.
2.
La piste 04:30
crois-tu vraiment pouvoir rejouer les équilibristes du dimanche face au glaive et face au temps qui dévale la piste en avalanche crois-tu garder quelques cartes aux sombres figurines dessous ta manche ou serait-ce que tu as pris goût au risque au cours des fantaisies d’un film qui commence si tu regardais passer les ambulances est-ce que tu comprendrais l’urgence quand tu vois ces foules au bras d’idoles et ces églises qui te hantent comme autant de photos floues qui plombent tes valises au bas des pentes crois tu garder bien au fond le courage de vieillir différent ou peut-être es-tu fait pour fuir des yeux le plus petit égard la moindre élégance si tu regardais passer les ambulances est-ce que tu comprendrais l’urgence sans artifice tu comprendrais t’as pas voulu t’abandonner dévaler la piste t’es pas l’artiste que tu croyais tu t’es perdu t’as pas bougé ravalé tes cris tes cris
3.
Beolyra 03:28
j’aurais sûrement dû m’arrêter plus tôt poser genou à terre dès le premier mot au premier signe au premier défaut c’est un constat la machine est brisée un désert sans fin me dévore la peau cette étendue sans vie sera mon tombeau et je respire à peine quand un homme oiseau se penche sur moi et me traîne à ses pieds quel est son dessein pourquoi ce fardeau ça m’est égal Tant qu’il me donne de l’eau nous parcourons l’espace à dos de chevaux combien de pas je ne sais plus quoi penser au bout de deux nuits se dresse un château sous le pont-levis l’homme à tête d’oiseau commence à danser contre les barreaux dans un éclat soudain tout m’apparaît quel étrange vallée de sauvages vénus peuplée habillées d’un interminable été au milieu ce palais séquoias flamboyants dressés négligés dans une infinie clarté
4.
Morphose 03:51
en éventail dissimulé dans la cendre et loin du trémail paradoxal je ne suis pas prêt à m’en aller sans cicatrices sans pis aller quel intérêt quel bénéfice à l’estivage transi de peur je ne suis sauvage qu’à l’intérieur sur la rocaille face à l’écueil du végétal en éventail à découvert d’antimatière nu sous le voile fondamental je suis fin prêt à tout lâcher à l’abandon transcendantal couché de front contre mes mains sales de mon visage rien ne demeure je suis sauvage des pointes au coeur un animal dans son linceul de végétal
5.
Saphir 03:34
tes larmes perpétuelles 
sous le grand muret blanc
 tout l’hiver sous la stèle
 quand ta colère descend je sais que tu l’attends des traces dans la mousse 
au dernier mouvement 
pour la dernière pousse
 à l’envers du courant je sais que tu l’attends dans un souffle embué
 tu te lèves et tu remontes 
ta vitre sur le quai
 où s’est arrêtée ta montre je sais que tu l’attends dans sa course immobile 
le temps c’est la vitesse 
dans ton automobile
 et ton état d’ivresse -- sur cette route où défilent
 des arbres effeuillés 
alignés sur le fil
 de tes deux mains liées je sais que tu l’attends tu roules de ville en ville 
toujours loin de tes terres 
tu joues et tu resquilles
 tu gagnes et tu te perds je sais que tu l’attends quelque jour quelque part
 dans un nouvel élan
 à l’autre bout du bar
 ou bien du continent je sais que tu l’attends et tu sais qu’il t’attend
 depuis mille saisons
 couché sur le ciment
 qu’il n’a plus sa raison
6.
Loda 04:36
13500 jours fatigué des détours d’un chemin en lacets au pas dans l’arrière-cour j’vois même plus les contours de mes premiers excès et si tout était différent comme au verso d’un beau dessin au mur de mon appartement l’allée des ifs tu t’en souviens quand j’ai parlé d’amour en d’oppressants discours aux fantômes de passage mais j’étais bien trop sourd oui j’étais bien trop lourd pour sortir de la cage ta cigarette qui se consume comme à l’envers de ce dessin la brèche est là quand tu l’allumes et quand tu me prends par la main pour passer les tunnels avant que ne plissent nos visages nos corps en parallèle sous un ciel qui se dégage des flammes sur l’autel qui emportent tous nos bagages où rien n’est éternel gardons de nous cette image au compte à rebours on prend l’issue de secours on se voit de l’autre côté 13500 jours ça n’est pas assez pour ne pas recommencer là bas tout sera différent je te parlerai de ton retour des trucs qui font rêver les gens des trucs qui sont là pour toujours là bas tout sera différent pour encore 13500 jours pour encore 13500 jours pour encore 13500 jours
7.
8.
Anophèle 02:59
du fond des nuits de septentrion j’erre à bout de quiétude de la neige sur les lèvres je cherche un anophèle ce qu’on devine et qui démange au son du battement de ses ailes peut-être le long des berges fondues sur la plaine nue dans un verger que j’imagine bourré de fruits amers mais l’eau ravine et le déloge et nul autre fruit n’est plus vert ou bien alors descendre vers vénus voir si l’eau est plus belle et les artères féminines désemplies de quinine ici rien ne vit l’hexapode a dû regagner l’autre rive
9.
Canaan Hotel 04:50
je suis de retour aux nouvelles jamais tu ne me reconnaîtras voilà deux ans que je t’appelle et que tu ne me réponds pas tous les soirs je suis à l’hôtel à recompter tous mes faux pas si je ne trouve pas le sommeil c’est que j’espère te voir là bas Canaan Hotel Canaan Hotel ce soir je t’attends seul je t’attends seul près du bar devant la vitrine où se dessinent sauvages les bras d’ardoise d’une bouteille de gin Canaan Hotel Canaan Hotel ce soir je t’attends seul je t’attends seul au comptoir au milieu des ruines où s’enveniment l’ennui les heures d’ivresse où je t’imagine des heures debout devant chez toi à voir danser dans la lumière ton ombre dans les rideaux blancs refaire les lois de l’univers mon coeur est comme un cinéma à la pension dans la ruelle si par hasard j’existe pour toi je te laisse un mot sous la tonnelle Canaan Hotel Canaan Hotel ce soir je t’attends seul je t’attends seul près du bar devant la vitrine où se dessinent sauvages les bras d’ardoise d’une bouteille de gin
10.
Lekeitio 03:47
j’ai remonté les vitres de l’opel l’air est encore frais pour la saison combien d’heures on a bien pu rouler on dirait que la nuit tombe tu me devances dans l’escalier d’ici on peut voir toute la baie c’est vrai y’a pas grand chose à dire de plus ton silence est parfait et moi je suis trop occupé à te plaire c’est comme si toute ma vie ondulait dans ta paire de jeans percés aux genoux je crois savoir ce qu’il y a entre nous on marche encore le long de la plage il y a cette ombre sur ton visage aujourd’hui j’aimerais bien voler la barre à ton passager noir dimanche de mai à Lekeitio dimanche de mai à Lekeitio c’est un adieu en rouge indigo dimanche de mai une quille de rouge une chambre bleue un balcon qui donne sur la mer combien d’heures j’ai bien pu dériver avant la fin du monde les plans défilent qu’est-ce qui m’échappe qu’est-ce que j’ai fait pour être en vrac j’ai dû pousser encore la mauvaise trappe réveiller tes fantômes et je revois ta main qui fuit je me repasse le film de tes absences depuis le vieux port de la Rochelle il était déjà là dis de ce garçon qu’est-ce que tu vois quand tu le vois à travers moi est-il encore ou disparu mais tu ne me diras pas dimanche de mai à Lekeitio dimanche de mai à Lekeitio pour un adieu en rouge indigo dimanche de mai
11.
Clameurs 04:46
c’est pas la première fois mais t’as l’air d’être ailleurs assis en haut du toit à faire passer les heures qu’est-ce que t’attends tout seul perché comme un moineau accroché à tes tuiles comme un chien à ses os d’ici la nuit est calme c’est vrai qu’on n’entend rien que le bruit du métal d’une éolienne au loin on imagine la ruche depuis le haut du toit tu remets ta capuche pour pas sentir le froid dis ça t’étonne encore ces reflets sur le blanc ces failles dans le décor tes mains que tu mets devant tu cries sur les antennes pour que quelqu’un te voie mais tes cris te reviennent tu te demandes pourquoi tu trouves pas tu trouves pas tu trouves pas les mots pour dire que tu sais pas vers où tu vas pour qui tu vas pourquoi tu te noies l’écho revient toujours à toi tu vois pas tu vois pas que tous ces gens toutes ces voix n’existent pas le bruit blanc la radio toutes ces clameurs dont l’écho revient toujours à toi c’est pas la première fois mais tu t’étonnes encore de ces bribes sous tes doigts que la froideur endort ça ressemble à des rires en réverbération tu hurles et tu respires toujours les mêmes questions tu trouves pas tu trouves pas tu trouves pas les mots pour dire que tu sais pas vers où tu vas pour qui tu vas pourquoi tu te noies l’écho revient toujours à toi tu vois pas tu vois pas que tous ces gens toutes ces voix n’existent pas le bruit blanc la radio toutes ces clameurs dont l’écho revient toujours à toi
12.
je veux parler de mes projets de mes derniers podiums de mes ratés de mes succès de mon passé en somme de ces années que j’ai claquées à courir après des fantômes je veux décrire tous mes désirs mais je ne vise personne je veux sentir je veux séduire me conduire comme un homme tous ces martyres tous ces fous rires ma marque sur le décorum je veux rester je veux me sauver je sais pas ce que je veux je veux rouler en cabriolet le vent dans les cheveux je veux manger à en crever ma vie par les deux yeux je veux parler tout déballer sur ces lois qui m’assomment je veux briser je veux brûler mes traces sur le sol je veux parler de cette armée qui tambourine sous mon sternum et puis je veux dormir au soleil dormir au soleil me fondre à l’essentiel figé comme un chat sur le pavage dormir au soleil je veux juste dormir au soleil le reste mis en veille en plongeur éternel dans le grand trou du ciel

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released August 28, 2020

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